COMITE DE LECTURE DES REVUES

COMITE DE LECTURE DES REVUES


Le comité de lecture existe depuis les fondements de la société. D'abord informel ou confondu avec le comité (organe dirigeant de la société), il s'est structuré au cours des années 1890, alors que les revues échangées ou les ouvrages acquis ou donnés, toujours inventoriés ou présentés en fin de bulletin SPV, devenaient pléthoriques. Le secrétaire René Ferry (1845-1924) négocie d'ailleurs en 1901 la rétrocession des collections philomates du quart de siècle passé à la bibliothèque municipale, ainsi que la donation systématique, après une année de lecture proprement dite, des revues reçues au terme de l'échange entre sociétés savantes, de manière à pérenniser notre présence active et l'hébergement de nos musées au sein de l'étage de la mairie dévolu à la bibliothèque.

Le comité de lecture se réunit régulièrement et examine les ouvrages échangés, en particulier les publications des sociétés amies, correspondantes ou pratiquant simplement l'échange de revues. Depuis les longues conséquences de la crise de 2008, et les restrictions des dépenses et de frais qui ont suivies, une quarantaine de sociétés savantes, heureusement rejointes par quelques nouvelles, s'est néanmoins maintenu dans notre petit réseau d'échanges.

Aujourd'hui, le comité de lecture se compose de Francine Joray, Magali Vincent, Pascal Picot, Claude Viry et Hervé Antoine. Mais tous les membres philomates peuvent proposer des résumés sur leurs sujets de prédilection.

Parmi la quarantaine de revues reçues au titre de l'échange, "le Pays Lorrain" reste une des plus consultées ou lues. Ses articles font l'objet de nombreux résumés. (Photo A.B.)

Deux sections ont été recrées en 1998, elles sont arbitrairement conçues pour collecter des résumés, mais n'entérine aucunement une séparation de la culture (préoccupation des arts, englobant l'histoire, l'archéologie, l'ethnologie, les traditions...) avec les diverses sciences. En voici des exemples :

SECTION ARTS, HISTOIRE & ARCHEOLOGIE

LABRUDE Pierre, Les premiers chimistes lorrains : La chimie en Lorraine ducale aux 17e et 18e siècles, Etudes touloises, n° 137, avril-juin 2011 ; p.13-26.
La première période de recherche en chimie commence au 16e siècle, période des alchimistes. Vient le moment où le duc Henri II, durant son règne (1608-1624) charge deux d’entre eux de recherches en son château de Condé (actuellement Custines). Des alchimistes non lorrains travaillent également en Lorraine, comme Clovis Hesteau de Nuysement, auteur avec Seton et Sendivog d’un traité paru en 1620 à Paris. La deuxième période est marquée par les réactions des premiers chimistes d’origine lorraine, déterminés à faire reculer le recours systématique des alchimistes à une symbolique sclérosante : Nicolas Guibert, Christophe Cachet. Après eux, au cours du 17e siècle, ce sont surtout des apothicaires qui vont renouveler la chimie débutante : Jean Béguin, Pierre Thibaut dit Le Lorrain. A l’université de Pont-à-Mousson, le professeur de mathématiques Jean Levrechon s’adonne aussi à la chimie. Au 18e siècle, les chercheurs qui poursuivent les travaux en chimie sont des médecins attachés au Collège royal de médecine de Nancy, comme Dominique-Benoît Harmant, Robert-François Laugier, des apothicaires comme Pierre-Rémi Willemet, Pierre-François Nicolas dit Phosphore, des professeurs de l’université de Nancy, comme Nicolas Jadelot, Michel du Tennetar (l’université de Pont-à-Mousson est transférée à Nancy en 1768 et la chaire de chimie y est créée en 1776.) Mais il y a aussi des chercheurs indépendants, tel François-Alexis Credo, un avocat devenu prêtre. L’expérience la plus spectaculaire, réussie par Pierre-François Nicolas, est celle du vol d’un ballon aérostatique entre Nancy et Fontenoy en 1783.
A noter la liste des travaux de cet auteur sur le site du centre de recherche universitaire lorrain d'histoire : https://crulh.univ-lorraine.fr/content/labrude-pierre


VAXELAIRE Yann, L’Hôtel de Beauvau à Nancy : Une toiture en tuiles glaçurées, témoin d’une construction d’exception, Le Pays lorrain, vol. 98, juin 2017 ; p.117-124.
L’Hôtel de Beauvau, sis 12, rue Saint-Dizier, à l’angle de la rue Dom-Calmet à Nancy, a été le bâtiment-phare de la Ville Neuve aménagée sous le duc Charles III à la fin du XVIe siècle. Il y a eu deux phases de construction : l’une en 1592, la deuxième vers 1612. Il s’agit à l’origine de deux corps de bâtiments à haute toiture, reliés au fond par une galerie de circulation sur laquelle débouchait un escalier, ce qui laissait la place à une cour ouverte sur la rue. Dénaturé en raison de diverses modifications pour installer des boutiques, le bâtiment en U a perdu une partie de la cour lors de la construction d’un bâtiment qui l’a entièrement enclose. L’originalité de ce bâtiment réside dans la conception des charpentes et surtout dans l’utilisation de tuiles glaçurées de différentes couleurs, monochromes ou bicolores, selon des combinaisons à base de vert, jaune, ocre rouge et noir. La surface couverte représente plus de 400 m2, ce qui a nécessité environ 47000 tuiles. Cet usage, assez fréquent à la fin du Moyen âge, était exceptionnel en Lorraine au début du XVIe siècle. La faible quantité de tuiles retrouvées ne permet pas de restituer le dessin tracé par les alignements de tuiles. (CV)
Au cœur de l’Europe, aspects de la vie musicale à la cour des derniers ducs de Lorraine.
– Le Pays lorrain, vol. 98, juin 2017 ; p.139-176. Série de quatre articles de Jean-Paul Montagnier, Raphaël Tassin, Pierre Pascal et René Depoutot.
La musique a fait l’objet d’une véritable passion chez les deux derniers ducs de Lorraine. Les modèles de la messe basse, accompagnée d’un motet, et de la messe solennelle, fondée sur le chant polyphonique, en vogue à la cour de Versailles, sont adoptés dans la cour ducale de Lorraine par Léopold, puis Stanislas. L’engouement pour la musique incite Léopold à faire construire à Nancy un théâtre de prestige dont la conception est confiée à un membre de la célèbre famille d’architectes-scénographes italiens, les Galli dit Bibiena (mais on ne conserve que des dessins de ce théâtre terminé en 1709 et détruit dès 1747.) La musique instrumentale jouée à la cour sous le règne de Stanislas, elle est caractérisée par l’éclectisme, empruntée autant aux œuvres anciennes qu’aux œuvres contemporaines. En ville, la musique de divertissement est le produit du croisement des influences françaises, italiennes et germaniques.(CV)

LICHTER Clemens, “Ehrenwerte Fremdlinge, Ausserbadische Funde der Badischen Altertümersammlung in Karlsruhe“, Archäologische Nachrichten aus Baden, Heft 94, 2018, p 12-27.
L’article décrit les artefacts étrangers de valeur du musée archéologique badois de Karlsruhe. Mais la présente note concerne spécifiquement les 27 exemplaires répertoriés du trésor de Lamballe et abordés à la page 17. Ce trésor de la fin de l’âge du Bronze et du début de l’âge du fer découvert à Lamballe - située selon l’auteur en Normandie - au 19e siècle devait se composer de douzaines de hache à douille de type armoricain. Comme la situation du fond et de plus amples informations n’ont pas été transmises, il pourrait s’agir de deux trésors différents, l’une d’une soixantaine, l’autre d’une vingtaine de haches. De nombreuses haches à douille de ces trouvailles se trouvaient autrefois dans la collection du préhistorien français Mortillet (1821-1998), qui les avait acquises vers 1864/65 (MORTILLET, 1868). Une partie de sa collection, dont aussi sept haches du trésor de Lamballe, ont été achetées dans la décennie 1870 par le Peabody Museum de Cambridge (Massachussets). Deux autres exemplaires avec indication de provenance de Lamballe sont présentées par le musée de Nérac (MOHEN/COFFYN 1968, 751-753 et figure 2, 4, 6). Les pièces sont indiquées dans l’inventaire comme un don de Mortillet. D’autres pièces ont regagné Nancy (1 exemplaire), la collection Desor à La Neuveville en Suisse (3 exemplaires), ainsi que différents particuliers (Thioly) à Genève (8 exemplaires) (AUDOUZE/GAUCHER, 1978, 424). Un exemplaire avec mention d’origine de Lamballe figure le 10 février 1891 comme cadeau du docteur G.A. Müller sous le numéro d’inventaire C6135 dans la collection archéologique. La figure 6 montre cette hache en bronze de type Tréhou (9e-7e siècle avant JC). Lamballe, aujourd’hui Lamballe-Armor, est bien une ville de Bretagne. Cette découverte dans les Côtes-du-Nord, nom ancien du département de Côtes-d’Armor, fait partie de la petite centaine de dépôts connus de haches à douille, en particulier celui de La Ruais-Plurien (JCF)

ROLLAND Pauline, La matière et le message : Albert France-Lanord et la restauration des métaux archéologiques, Le Pays lorrain, vol. 99, décembre 2018, pp. 383-392.
Albert France-Lanord est connu pour avoir travaillé pendant quarante ans au Laboratoire d’Archéologie des métaux situé dans le Musée du Fer de Jarville-la-Malgrange, près de Nancy. Il a fait figure de pionnier en France. Trois principes directeurs ont orienté son travail de restauration d’objets archéologiques en métal, selon la méthode exposée pour la première fois par le spécialiste italien Cesare Brandi, auteur d’une Teoria del Restauro en 1963 :
- restitution de la forme originelle qui doit être sauvegardée, sous la croûte due à la corrosion, grâce à un décapage minutieux et prudent ;
- lisibilité des réparations, ce qui permet de distinguer ce qui relève de l’objet originel de l’apport moderne pour consolider, obturer les manques et réparer les ruptures ;
- réversibilité des interventions, ce qui permet d’annuler certaines opérations au profit de nouvelles techniques plus sûres et moins invasives.
Toutes les restaurations effectuées à Jarville à l’époque de France-Lanord ne sont pas exemptes de reproches partiels de la part des spécialistes d’aujourd’hui, mais c’est le sort de toute restauration, toujours susceptible de recevoir des traitements nouveaux en fonction du progrès des techniques. (C.V)

PETER Daniel, Dimanche et jours de fêtes : le temps des interdits… (XVIe-XVIIIe siècles), Pays d’Alsace, Cahier varia n° 269, IV-2019, pp. 8-22.
Les fêtes font partie de la vie quotidienne dès le Moyen âge et sont pratiquées par les habitants des villes et villages d’Alsace. Mais les autorités religieuses et politiques montrent une forte méfiance vis-à-vis des fêtes, sources, selon elles, de débauche et de violences. Même les humanistes, comme Geiler de Kaysersberg ou Sebastian Brant, réprouvent les chansons légères et les danses comme contraire aux bonnes mœurs. Quant aux dimanches, ils doivent être strictement respectés par tous : aucun travail effectué le dimanche, sauf autorisation spéciale (par exemple, en cas de contraintes météorologiques pour les paysans au moment des moissons ou de la fenaison) ; assistance à la messe obligatoire sous peine d’amende et même d’excommunion temporaire.. Le conseil religieux (Geistliche Rat) sévit. De nombreuses ordonnances répriment les comportements déviants (Kirchenordnungen). A plus forte raison, dans les milieux protestants, l’austérité est de rigueur. Cependant, au XVIIIe siècle, les autorités semblent plus indulgentes tandis que les habitants se plaignent du trop grand nombre de fêtes qui les empêchent de mener à bien leurs affaires. (C.V)

SECTION SCIENCES DE LA NATURE


HOSTETTMANN, Kurt, De l'apport de la médecine traditionnelle africaine au développement de médicaments modernes, Actes de la Société Jurassienne d'Emulation, cent-troisième année, Année 2000, pp 27-42.
Kurt Hostettmann, professeur de pharmacognosie et phytochimie à l'Université de Lausanne a donné cette conférence à l'aula du collège de Délémont, le 19 mars 2000. Beaucoup d'habitants des pays au sud du Sahara ont encore recours aux guérisseurs traditionnels pour leur soins de santé. Ils ne peuvent bénéficier de la thérapeutique officielle à cause, notamment, de l'insuffisance des réseaux de santé publique et du coût élévé des médicaments importés des pays industrialisés. Les guérisseurs, appelés à présent tradipraticiens, utilisent largement les ressources naturelles (végétales, animales et minérales) pour soigner toutes sortes d'affections. Parmi ces ressources, ce sont les plantes qui jouent un rôle primordial dans les pharmacopées africaines traditionnelles. Depuis les temps les plus reculés de leur histoire, les Africains ont appris à identifier un grand nombre d'espèces végétales sauvages présentant des vertus médicinales et autres propriétés : toxiques, alimentaires, fourragères, tinctoriales, aromatiques, etc. En ce qui concerne plus spécialement les connaissances acquises sur les plantes médicinales des forêts et savanes africaines, celles-ci n'ont pas fait l'objet de documents écrits, mais ont été transmises oralement de génération en génération. Petit à petit, elles sont devenues l'apanage du tradipraticien dont la compétence pour dispenser des soins de santé est reconnue par la collectivité dans laquelle il vit. L'importance du savoir des tradipraticiens a été longtemps méconnue par la médecine et la pharmacie modernes. Ce n'est que dans la deuxième moitié du vingtième siècle, à la suite surtout du "premier symposium interafricain sur les pharmacopées traditionnelles et les plantes médicinales africaines" (1), que les laboratoires et instituts spécialisés se sont intéressés à ce savoir représentant pour eux une nouvelle source de découvertes pour la phytothérapie et la phytochimie. Plusieurs espèces de plantes médicinales africaines sont actuellement utilisées par de grands laboratoires pharmaceutiques pour la fabrication de médicaments, ainsi que pour l'herboristerie. Parmi ces espèces, on peut citer les Strophantus officinaux à glucosides cardiotoniques (S. kombe, S. gratus et S. hispidus), le prunier d'Afrique (Pygeum africanum) contre l'hyperphasie bénigne de la prostate, le Yohimbéhé (Pausingstalia johimbé 2) contre la dysfonction érectile masculine, le kinkéliba (Combretum micranthum) contre les affections du foie et la fièvre bilieuse hématurique, le séoulou (Holarrhéna floribunda) contre la dysenterie amibienne, la pervenche de Madagascar (Catharanthus roseus) utilisée dans la chimiothérapie de certains cancers, l'oseille de Guinée ou bissab, ou encore karkadé (Hibiscus sabdariffa) dont les sépales charnus, de couleur rouge-brun, servent à préparer une infusion appelée "thé rose" (3), la griffe du diable (Harpagophytum procumbeus) contre les douleurs rhumatismales. Un très grand nombre d'espèces de plantes médicinales des pharmacopées africaines traditionnelles ont été étudiées jusqu'à présent en vue de découvrir de nouveaux médicaments. Il va sans dire que les pays africains dans lesquels poussent les plantes-matières premières nécessaires aux industries pharmaceutiques devront veiller à exploiter rationnellement cette ressource naturelle renouvelable non négligeable pour le renforcement des économies nationales, et par conséquent, pour le bien-être des populations.
1 Ce symposium, organisé par le conseil scientifique de l'O.U.A. s'est tenu à Dakar, du 25 au 29 mars 1968.
2 La graphie correcte de l'épithète spécifique est johimbe et non Yohimbe.
3 La figure 4 ne représente pas Hibiscus sabdariffa qui a des pétales jaunes, mais Hibiscus rosa sinensis qui est une plante ornementale.


LARCHEVÊQUE Marc, Terres réfractaires, 2° édition, Imprimerie G et M. Marin, Vierzon, 1921. 76 pages. [Collection René Revert]
Réédition d’un ouvrage sur l’art céramique d’un fabricant de porcelaine de Vierzon. Informé et fort inquiet du développement et de l’avance technologique allemande, l’auteur qui a eu connaissance des travaux français qui sont restés confidentiels procède à un état du savoir. Il affirme que chaque usine ayant besoin de ces connaissance les a découvert par la pratique ou la débrouillardise, alors que ce savoir était déjà outre-rhin intégré dans un corpus d’ingénierie structuré. Cette synthèse présente un succinct panorama du savoir céramique du début du siècle, tel qu’il pouvait être utile à un homme de métier ou à un chercheur. La clarté de ce court exposé en français suscita une forte demande internationale.

Christian PAUTROT, Formations superficielles en Lorraine, Mémoires de l’Académie nationale des Sciences, Arts et Lettres de Metz, CXCIIe année, série VII, Tome XXIV, 2011, pp 65-77.
L’auteur géologue émérite, auteur d’un ouvrage Fossiles et roches lorraines, parue en 2011 aux éditions Serpenoise, aborde succinctement les couches superficielles avec une approche succincte, mais didactique suivant leurs origines. Un bref historique de la discipline et un développement sur les alluvions de la Moselle complète cette introduction aux sols, concrétionnements, dépôts (péri)glaciaires comme la grouine si importants pour de multiples disciplines scientifiques.(HA)

 

Sur les épidémies en montagne vosgienne

L’histoire des transports, la modélisation de la circulation des hommes et des échanges marchands permettent au chercheur de reconstituer de manière vraisemblable les épidémies, malgré les gigantesques lacunes d’archives. Pour les transports, il est possible de trouver des éléments dans les numéros de MDV 3, 11, 15, 23, 24 et 39. Pour la médecine, MDV 1, 8 et 25. L’intégralité des résumés du comité de lecture qui ont plus de dix ans a été publié dans Mémoire des Vosges n°1 et n°25 (traitement sous forme légère), voire n°8 et n°11 (par ricochet).
 
D’abord les épidémies virales, dont la contagion est distincte de la maladie. D’ailleurs, la maladie insidieusement induite une fois la période mortelle proprement dite ou le mal au sens ancien sur le plan individuel (fatigue, déformation ou troubles du corps et de l’esprit, perte de repère et reprise sournoise d’autres maladies anciennes ou chroniques…) se poursuit parfois de longs mois et souvent plusieurs années, transformant quelquefois un homme en pleine santé en vieillard. Les épidémies de rougeole apparues au XIe siècle avant notre ère, dans le Croissant fertile et dans la vallée du Gange par zoonose bovine sont présentes dès 7300 avant notre ère avec l’arrivée des premiers agriculteurs, venus de l’est danubien, la colonisation dense au Mésolithique vers 6500 ans avant notre ère rend la circulation épidémique ravageuse. La variole passant de Chine à l’Inde au IVe siècle ne serait apparue qu’au VIIe siècle avec les troubles des invasions arabes. Tuant, défigurant ou altérant le corps de ses victimes, la petite vérole s’installe durablement et s’accroît avec les voyages incessants des Croisades du XIIe siècle entre ports européens et escales du Moyen-Orient, avant de faire le tour de la Terre avec le désenclavement maritime du XVIe siècle. La grippe espagnole, originaire de Chine, mais attestée dans les camps américains du Missouri en mars 1918 se répand avec les soldats transportés en Europe occidentale, où les trois vagues de 1919 éradiquent environ 50 millions d’individus. L'irruption de la grippe espagnole est si rapide qu’il ne peut avoir de maîtrise épidémique par les autorités. La grippe de Hong-Kong diffusé par le relais des couloirs aériens depuis Taïwan et Singapour, aurait causé une pandémie qui a touché dans l’indifférence générale l’Europe durant l’hiver 1969, causant 30000 morts.
Ensuite, les maladies causées par des infections rapides ou lentes de microorganismes, bactéries, champignons ou moisissures. Il faut oublier les descriptions erronées ou douteuses concernant l’absence d’hygiène médiévale. Les pratiques de propreté ou de soins de beauté diffèrent, mais elles marquent la société médiévale. Une peste à bubons ainsi que la lèpre semble suivre la violente reconquête justinienne et éphémère restauration de l’empire d’Orient sur la Méditerranée occidentale au VIe siècle. Elle pourrait expliquer des décennies plus tard  le refuge au Saint-Mont de la famille du leude Romaric, fuyant la cour infestée et les contrées rurales dévastées également par les famines engendrées par de prodigieux aléas climatiques, Romaric et ses filles confinées rêvent d’entreprendre la christianisation complète de la montagne vosgienne, avec l’aide de moines missionnaires étrangers qui veulent effacer les pratiques païennes résiduelles d’une population christianisée depuis deux siècle, et surtout dominées par des bandes d’Alamans francisés attachées à des rituels anciens. Le surgissement de la Peste noire en 1349, sous sa forme pulmonaire, létale très rapidement, ou bubonique à évolution plus contrastée, est une catastrophe pour un grand nombre de vallées, surtout le long des axes les plus fréquentés par la pullulation des rats porteurs de puces vectrices du bacille pesteux dans les entrepôts ou granges. Les populations des Vosges du Nord, au-delà du Donon, probablement riantes et prospères au XIIIe siècle, sont anéanties en grande partie, en quelques années ou en cinquante ans, laissant de larges bois et forêts. Ces espaces seront gérés a minima pour le profit des derniers seigneurs autonomes, constatant que quelques forestiers et bûcherons peuvent fournir des revenus plus conséquents que de pauvres villages à repeupler ou à protéger. La perception de la mort collective et massive est un quasi-impensable sans fantasme, les historiens comme ceux qui ont vécu durant l’épidémie préfèrent oublier, même si le cataclysme et ses conséquences marquent durablement les décennies suivantes. Une pandémie comme la grande peste noire diffère par ces effets des diverses formes de pestis médiévale, plus lentes ou mieux circonscrites, comme la diffusion plus lente de la lèpre qui permet la mise à l’isolement du sujet infecté dans les madeleines ou hospices chrétiens en forêt ou dans ses marges, le long des voies de circulation. Il est possible de montrer des effets de la peste noire, parfois à courte durée (mortalité aiguë, fragilisation sociale avec la baisse de la rente foncière accaparée par les riches héritiers des disparus, montée inexorable des salaires des laborieux survivants, nécessité des petits seigneurs sans fortune de cultiver eux-mêmes leurs terres, isolats familiaux nés des refuges et pratique religieuse socialisante des confréries), parfois à longue durée (disparition quelques siècles plus tard de communautés villageoises ou bourgeoises, respectivement comme le village dit de La Fave ou l’antique bourgade d'Hellieule, près de Saint-Dié).
 
Visant les calamités qui accablent les populations paysannes, à savoir la grêle (destruction de récoltes), l’orage (destruction par le feu des maisons), l’inondation et les gelées, les maladies populaires, c’est-à-dire épidémiques, la fondation du roi Stanislas à Paris en 1748 propose en gros une assurance globale de 3000 livres à se répartir annuellement entre les villages de Lorraine et du Barrois (Bulletin SPV  XX, pp 233-238). La gestion sociale pratique était confiée aux curés ou vicaires de paroisse ou à toute personne de confiance du secteur concerné, capable de rédiger de leur chef des procès-verbaux analysés par la subdélégation. La somme globale semble dérisoire, ne serait-ce que pour les cantons lorrains depuis une vingtaine d’année marqués par l’exode et la paupérisation, en ces temps d’aléas climatiques violents, de disettes traumatisantes ou de progrès de la variole. L’administration des subdélégations françaises le fait sans doute subtilement savoir au prince, qui rajoute du capital à sa fondation pour atteindre une rente utilisable de 8000 livres. Le vieux duc très croyant y rajoute pour son salut en 1756 une somme de l’ordre de 5000 livres, puis quelques centaines de livres après son décès à la fin de l’année suivante.
 
Le conseil d’hygiène et de salubrité publique, installé dans l’arrondissement de Saint-Dié, après 1849, est relativement impuissant face aux épidémies souvent invisibles malgré la nomination d’un médecin des épidémies, car elles échappent à ces observateurs attentifs encore plus que les épizooties aux yeux des éleveurs. Les informations, d’abord contradictoires, parviennent souvent lacunaires au conseil bien après la catastrophe, et il est difficile d’en espérer un bilan statistique satisfaisant, ainsi la variole sévissant sur l’arrondissement montagnard à la fin de l’été guerrier en 1870 pour décliner à la fin de l’automne 1871 aurait atteinte environ 7000 personnes pour laisser 724 morts et presque 400 malades rudement affecté dans leurs corps ou défigurés (BSPV cinquième année, 1879-1880, page 53). Mais le secrétaire de ce conseil en 1878, Henri Bardy note que l’excédent de mortalité uniquement dans les registres de la ville au cours de l’année 1871 dépasse déjà 500 morts, l’immense majorité attribuable à la petite vérole. Il faut croire que l’échelon de collecte le plus pertinent serait au niveau des sages-femmes, qui procèdent d’autorité à la vaccination en urgence.
 
Les résumés d’ouvrages ou d’articles de la dernière décennie 2010-2020 concernent  que faiblement les épidémies, sujet difficile et faiblement documentés pour les raisons invoquées plus haut. La plupart du temps, la mention apparaît dans une étude de décès (inventaire particulier, récit de vie interrompue), dans la vie des populations libres ou confinées (échanges marchands souvent maritimes ouvrant la porte à l'épidémie, migrations incontrôlées ou placées sous contrôle stricte de l'état, prisons), dans les thématiques sur l'eau (marécages paludéens, aménagement urbain déficient et les maladies induites comme la diphtérie épidémique à St-Dié en 1880, fontaines publiques et autres élucubrations hygiénistes) et enfin sur une (probable) explication de quelques croix funéraires ou de chemins.
Pour les dix dernières années récentes, il n'y a que 14 mentions du terme épidémie dans nos résumés, sans que ce soit le sujet d'étude précis. La seule mention d'article véritable sur ce thème remonte aux tournants des années 2000, avec les dernières épidémies de peste en Franche Comté (1628-1640).
 
ANNEXE
Virée lexicale en temps de pandémie virale
Il est couramment mentionné que l’œuvre écrite du chirurgien et médecin du Roi, Ambroise Paré, est la voie d’introduction en français moderne vers 1575 du terme virus, avec les mentions explicites du virus vérollique (vérole) et de celui de la rage. Le mot virus est de genre masculin (1). Le mot latin initialement neutre, vīrus au nominatif (i long), vīri au génitif, serait simplement adapté en français au cas nominatif et sa forme d’usage reste inchangée au pluriel (2).
Que signifie ce terme médical aux temps humanistes ? Si la consultation du dictionnaire Gaffiot dévoile une polysémie à quatre étages, elle permet de compléter utilement les sens reconnus de « suc de plante actif et potentiellement vénéneux », et surtout de « poison », et de poser la question de l’usage du terme en latin médiéval tardif, langue savante qui a emprunté beaucoup à l’arabe, langue des sciences médiévales et au grec, langue des savoirs gréco-romains préservés par les traditions byzantines (3). Le premier sens de base indique un suc, un jus, une humeur. Les auteurs latins classiques Virgile et Pline l’emploient dans différents contextes qui éclairent la signification, par exemple le « virus cochlearum » ou bave des limaçons. Le jus ou le suc de plantes ne clôt ainsi nullement la première signification, elle s’étend à tout liquide exprimé ou jus excrété, aux propriétés communes ou singulières, ainsi la semence des animaux, les variétés de pus, l’excrétion liquide corporel, par exemple la salive ou les éjections des dépôts sur les muqueuses (bouche, langue, parois du nez). D’où les orientations médicales vers la théorie antique des humeurs. Le second sens mentionné par le Gaffiot est synonyme de venin (venenum en latin), de poison dit ἰός ios en grec, mot polysémique qui signifie aussi la rouille, la rouillure, voici une interprétation que la tradition savante gréco-romaine a gardé, avec le mot de même famille, le mot probable diminutif virule cité par le glossaire de Du Cange synonyme du virus, au sens de poison (4). Un troisième sens employé par Pline, sans doute populaire, désigne une mauvaise odeur, un jus générant des émanations mauvaises ou putrides, une puanteur, une infection, d’où la description pratique d’une maladie infectieuse. Un cas particulier, qui nous séparons arbitrairement du dernier sens, décrit l’âcreté, l’amertume après une dégustation minimale pour saisir le goût, pratique autant populaire que méthode ancienne de la médecine pratique, inspirant plus tard la chimie gustative.
 
Le jargon des praticiens de la médecine et des rares barbiers savants du XVe siècle comporterait-il déjà ce terme issu du latin médiéval signifiant une inflammation contagieuse ou une maladie infectieuse transmissible, ou de manière ponctuelle un poison, une substance active néfaste, un jus mauvais, un extrait malodorant ou puant, rencontré au cours d’une opération ou d’une dissection ? Il semble que l’excellent chirurgien Ambroise Paré n’en soit qu’un lointain héritier. En 1478, l’ouvrage médical Le Guidon en françois, d’après G. Sigurs, auteur de la thèse « Contribution à l'étude du français médical, 1478-1559 » à Montpellier en 1963-64, définit dans le corpus du savoir médical le virus en partie double comme « substance qui recèle l'agent du contage et est capable de transmettre la maladie ».
Observons si les mots de la famille virus, virulence, vireux, virion, viral, porte-virus, virologie, virologiste, virologue, virucide, virophage, virôme, adenovirus, antavirus, oncovirus, parvovirus, papillonavirus, poliovirus, poxvirus, retrovirus, rotavirus, coronavirus… confirment ou nient cette hypothèse selon leur apparition en français ? Si un grand nombre date du XXe siècle, époque de progrès continu de la virologie, il faut remarquer l’adjectif vireux, apparu à la fin du XIVe siècle sous la plume d’Eustache Deschamps avec le sens de « puant, fétide » puis repris en 1611 par le romaniste anglais, Randle Cotgrave ou encore le mot virulence présent vers 1503 dans La grande chirurgie - guidon en françois de Guy de Chauliac, au sens ponctuel de la présence en tout ou partie de pus, de matière purulente (pustules, boutons, bubons, bubelets…), de tissus suppurant, pustuleux ou qui contiennent ou se chargent de pus (5). La fiction humaniste de la découverte du monde s’effondre, même si la courte mention du rôle vulgarisateur d’Ambroise Paré paraît exacte. Il semble que dès le XVe siècle, le latin médiéval des rares praticiens de la médecine de tradition gréco-romaine, mais passée longtemps sous influence arabo-persane en Méditerranée, dénomme au sens large le virus comme, à la fois le vecteur de contagion (poison), et la maladie infectieuse correspondante – du moins  les diverses pathologies induites suivant les sujets -, qui se propage sous l’effet de ce poison invisible. Il est fort possible qu’un petit groupe savant du XVIIe siècle, au moins quelques groupes influencés par des physiciens ou chimistes adeptes des corpuscules ou petits corps de matière, préserve ce savoir, voire modélise l’action diverses substances fines, puissants agents infectieux, invisibles au microscope de l’époque, qui, de manière régulière ou exceptionnelle, causent l’infection des plantes, des animaux ou des hommes. Le retour conservateur de la médecine entre 1690 et 1720 semble brouiller les apports scientifiques du Grand siècle, tout à la fois désordonnés et foisonnants au plan théorique en restant assez stérile en pratique médical, sans cesser de susciter conflits et rivalités entre savants. Le terme virus, tout en gardant ses interprétations antiques ne décrit au sens des modernes qu’une vague oscillation sémantique entre l’effet et la cause de pathologies infectieuses. Le court Siècle des Lumières, s’il ne cesse de promouvoir les sciences, montre la superficialité de la lecture scientifique des beaux esprits des salons, citons le facétieux Voltaire, qui détourne au sens figuré le mot virulence  pour signifier l’agressivité, l’attaque violente d’un discours, d’un pamphlet, le pouvoir de ridiculisation d’un propos ou d’un beau mot... dans ses écrits de 1767. En 1793, le comité de salut public, poursuivant dans cette veine figurée, fait advenir le virus en principe moral de contagion, ainsi des communes peuvent être infectées d’un virus d’opposition aux principes révolutionnaires. Le romantisme naissant n’a plus qu’à transformer ce virus en une passion ou un attrait dévorant pour un pan de savoir ou l’accomplissement d’une activité ou d’une fonction.
 
Les maladies virales ne cessent de frapper au XVIIIe siècle, notamment la variole. Lady Montagu, noble épouse de l’ambassadeur britannique de la Sublime porte, emprunte à la tradition levantine une pratique de contamination sanguine par égratignures avec des pus conservés et séchés de malades infectés, elle rapporte à la cour d’Angleterre ce savoir des femmes des bains hammam pour s’épargner les affres - et surtout les stigmates sur le corps des rescapées - de la petite vérole ou variole humaine. Mais la variolisation appliquée aux jeunes gens ou enfants n’est parfois pas sans contagiosité, elle cause souvent une forme bénigne de maladie et exceptionnellement provoque la maladie mortelle et peut relancer l’épidémie, c’est ce que dénonce les opposants de ces remèdes de bonnes femmes, mais aussi ce que D’Alembert prouve par des calculs statistiques prenant en compte les aléas des préparations de variolisation. Le docteur Edward Jenner observe que les enfants d’éleveurs de vaches atteintes de la vaccine (variola vaccina variole des vaches) supportaient sans peine la variolisation, et même semble quasiment immunisé contre l’infection de la petite vérole (variole humaine). En substituant la vaccine au pus séché de variole (il suppose une parenté des virus humain et bovin et une action spécifique de virulence des deux virus), il invente la vaccination en 1796.
 
Aussi le mot virus, présent en français et en anglais, reprend lentement un sens précis d’agent infectieux déterminé qu’au cours du XIXe siècle, mais les recherches ne sont guère concluantes. Le seul virus-vaccin – dénomination attesté en 1812 – reste la vaccine. Certains virus contaminent le blanc d’œuf fécondé et peuvent exister dans les cellules vivantes, étudiés par les biologistes à la fin du XIXe siècle. Le chimiste Louis Pasteur élaborant sa théorie des germes spécifiques entre 1870 et 1880, en dépit d’un climat hostile du corps médical ou savant, prend en compte la petite taille de ces « microorganismes infectieux », plus ou moins virulents, dont il est possible d’atténuer la virulence, en les nommant d’une manière générique infra-bactéries. Les fines particules virales traversent généralement les parois poreuses en porcelaine, ce qui amène le botaniste Dimitri Iwanosky en 1892 à fonder la virologie à partir de ces germes solubles ou virus filtrables  (par exemple la mosaïque du tabac) qui se moquent des filtres spécifiques arrêtant le monde bactérien. Félix d’Hérelle découvre en 1917 l’action spécifique de virus sur des bactéries par lyse transmissible, ce qui induit l’existence de virus bactériophages, c’est-à-dire qui mangent des bactéries. Notons la catégorisation médicale qui étiquette ces ultravirus de bactéries dès les années vingt en bactériophages, induisant une séparation lexicale pour mieux maintenir la distinction formelle entre les cellules chères à la médecine du début du siècle, ignorante des constituants biochimiques communs au vivant. Dès 1925, il paraît certain que les virus infectieux, sous leurs formes extracellulaires, sont des particules définies et stables, inférieures à 300 nanomètres (6).
 
L’adjectif viral, par adaptation de l’anglais médical attesté en 1948, se diffuse grâce aux revues savantes débordant le cadre spécialisé de la microbiologie ou l’inventaire des pathologies, comme celle de la revue mensuel Larousse en 1951, ou simplement par la presse, à l’exemple du mot virologiste qualifiant le médecin ou savant spécialiste des virus en 1961, une époque qui ouvre une ère technique marquée par la biologie moléculaire, les vaccins et les cultures cellulaires en microbiologie. Dès les années trente, la microscopie électronique peut rendre en images les ultra-particules virales avec des formes géométriques particulières (spirales, hélicoïdes, icosaèdres, coques ou capsules…) alors que quelques décennies plus tard, la chimie nous dévoile des brins de chaines d’acides nucléiques enchevêtrées, un ensemble parfois protégé par des parois en partie ovales (capsides) structurées par des filaments de protéines abritant des nucléoprotéines basiques ou encore parfois enveloppé de façon stabilisatrice par des membranes à acides gras, lipules et enzymes (7). André Lwoff en 1957 peut proposer une définition scientifique des virus, en trois axes (génome viral à ADN ou ARN, reproduction par réplication du matériel génétique, parasitisme intracellulaire absolu). André Lwoff, Thomas F. Anderson, spécialiste américain de microscopie électronique et le biologiste François Jacob définissent le terme de virion comme une particule virale infectieuse sans métabolisme, sans source d’énergie, sans croissance, donc non vivante mais susceptible de se démultiplier s’il entre et prend le contrôle d’une cellule cible.
 Aujourd’hui, la tacite description parasitaire s’efface avec le concept d’une cellule modifiée de façon irrémédiable ou viracelle, signifiant une association indissociable de la cellule et du ou des virus qui régulent ses clefs d’entrée et de sortie de matière, active les fonctions des machineries cellulaires gérant l’énergie (ribosomes), modifie parfois les opérations ou codes génétiques de la cellule. Pour coordonner leurs actions, les myriades de virus ou l’agent infectieux inséré dans la cellule auraient la possibilité d’instaurer une communication, grâce à la production de peptides messagers ou les conformations induites localement par des chaînes macromoléculaires de proche en proche. Il est concevable qu’une reproduction finale à outrance des virions puisse réduire à néant  les équilibres de la cellule vivante hôte (viracelle) qui finit par se vider ou éclater. C’est l’explication classique des destructions ou dommages des tissus cellulaires, des zones de nécroses, des halos ou trous de dissolution (lyse), par exemple observable sur les cultures cellulaires en boîte de Pétri (8).
 
Avec les progrès ou revirements conceptuels spectaculaires des vingt dernières années en biologie, une meilleure connaissance des micro-organismes et de l’évolution de ceux-ci et des assemblages cellulaires complexes offre un afflux gigantesque d’êtres viraux ou cellulaires, qui sont indispensable pour comprendre les cycles biogéochimiques, en particulier le bloom planctonique des mers et océans (9). L’ensemble des virus est aujourd’hui estimé à environ 5 % de la matière vivante, puisque il faut bien intégrer le vaste monde des virus omniprésent des déserts aux corps humains, dans le champ d’études biologiques. Par exemple, chaque bactérie découverte révèle autant de nouveaux virus bactériophages spécifiques. Les virus de nos microbiotes - ces êtres microscopiques vivants qui colonisent en particulier l’intestin humain - sont innombrables et spécialisés, a priori non pathogènes pour nos cellules. Ainsi la mention d’un microbiote induit celle d’un virôme, qui lui est associé en composante de symbiose (10).
 
Si certains chercheurs considèrent les virus à l’origine de la vie, ce monde virale complexe que la biologie commence à peine de découvrir existent au moins depuis plus de cent millions d’années. La simple supposition de la survie de viracelles ou de la reprises de ces matériaux peut expliquer que les virus moyennement actifs apportent de la nouveauté dans le vivant, c’est un des moteurs de l’évolution darwinienne par transfert horizontal de gênes séquençaux , car l’ADN d’origine virale est considéré comme largement présentes dans notre code génétique, par exemple pour les mammifères primates que nous sommes. Notre ADN pourrait être modélisé en 2 % de gênes eucaryotes (notre parenté cellulaire avec ces micro-organismes évolués), en 8 % d’ADN d’origine virale (apport supposé direct), et 90 % de reliquats complexe en partie à base de rétro-éléments, ce qui laisse apparaître le rôle des rétrovirus, dont certains ont été incorporées dans notre organisme, par exemple expliquant les propriétés immunosuppressives du placenta des mammifères.
 
En dehors de ce virage scientifique, nous vous laissons ébaucher ou réfléchir au long inventaire technique des mots de la famille virale. Mais il nous reste à préciser quelques notions relatives aux épidémies. Une épidémie virale désigne certes une maladie infectieuse contagieuse d’origine virale, mais aussi la contagion ou la propagation de ce virus avec des effets variables sur les populations humaines (11). Le latin médiéval epidemia, du grec έπιδημια , caractérise d’emblée une extension géographique, avec le préfixe épi έπι signifiant un mouvement (voyage), une migration, un envahissement ou une avancée sur quelque chose de défini, par exemple des territoires peuplés, comme le suffixe ou radical δημια dêmia qui rappelle le dème ou canton des hommes d’une même tribu administrative de l’Attique, apparenté à dêmos, δήμος, terme défini par l’association du peuple et de sa terre. Il est alors facile de comprendre que la pandémie,  néologisme πανδημια cité en 1752 par le dictionnaire de Trévoux et accepté par l’académie en 1762, concerne en principe la totalité des territoires connus, ou que l’endémie désigne une maladie qui se fixe ou reste latente dans un pays, par simplification attestée vers 1495 dans l’ouvrage publié à Rouen de Thomas Le Forestier, Le régime contre epidimie et pestilence, du terme médical grec ένδημοωόσημα endêmon nosêma, où le préfixe qualifiant l’espace est apparenté au mot ένδημος endêmos signifiant indigène, espace et population local. Il est préférable d’employer le mot savant néologisme du XVIIIe siècle, épizootie pour une maladie infectieuse qui touche spécifiquement les animaux et se répand, d’après la médecine vétérinaire. Le terme épiphytie, caractérisant par ailleurs des plantes poussant sur d’autres plantes-supports, peut désigner aussi une maladie infectieuse et contagieuse, à l’échelle locale, pour les plantes.
 
Notes et références de base : 1 Albert Dauzat, Jean Dubois, Henri Mitterand, Dictionnaire étymologique et historique, Larousse, Paris, 1964. Une description plus complète des propositions étymologiques de ce texte fait systématiquement appel au Trésor de la Langue Française informatisé ou TLFi en ligne. 2. Notez le pluriel en anglais viruses qui atteste de l’emprunt au français sans considération de son origine latine. Le français fait de même en respectant sa règle d’accord de nombre. L’allemand hésite sur le genre, tantôt neutre das Virus, parfois masculin der Virus, mais accorde généreusement une déclinaison plurielle die Viren. 3. Félix Gaffiot, Dictionnaire latin-français, 1934. 4. Glossaire de latin médiéval ou Glossarium mediae et infimae latinitatis de Du Cange, en ligne sur le site informatique de la Sorbonne. L’entrée virus ἰτρύς est rapportée au terme de médecine gréco-romain Vitis ou ἴτις signifiant une inflammation, une inflammation des bronches, une bronchite, une inflammation du nez ou de la gorge et de la trachée, une rhinite ou rhum,une maladie infectieuse virale comme la poliomyélite ou la rougeole. Ne confondons pas l’objet d’étude avec une racine proche, par exemple le verbe virare, altération du latin classique gyrare, uniquement accordée à l’idée de tourner, tournoyer, circuler en rond ou en tournant constamment. C’est la famille de mots virée, virer, virement, vireur, virade, virage, revirer, revirement, survirer, survireur, vire-volte, virevolter, virevaut, virevaude, environ… 5. Ces définitions parfois sommaires paraissent influencées par la gigantesque épidémie de peste noire, sous les deux formes, bubonique lente et pulmonaire foudroyante, originaire des steppes asiatiques, qui, présente à Wuhan en 1334 parvient dès 1346 en Méditerranée avec la flotte génoise depuis la Mer Noire et le port de Caffa, avant de gagner l’Europe occidentale et nordique. Arrivé à Marseille en 1347, elle gagne le couloir rhodanien, l’Ile-de-France et les Flandres, les différents axes mosan, mosellan, rhénan… causant en 5 années des dizaines de millions de morts. Cette épidémie qui resurgit ensuite tous les dix-quinze ans n’est pas d’origine virale, mais bactérienne. Le bacille de la peste (Yersinia pestis) à l’origine de la maladie est porté par la puce du rat qui hante les entrepôts de marchand, les entreponts de navire ou les amas de détritus urbains, l’ensemble initial rat infecté-puce infectante étant le vecteur de la contamination pour l’Homme. De même, le choléra, originaire du golfe du Bengale, qui gagne l’Europe de l’Est, puis Marseille en 1834, est une maladie infectieuse – diarrhées continues provoquant le décès par deshydratation - causée par le bacille de Koch, qui pollue l’eau à partir des surfaces souillées par des reliquats d’excréments. 6. Les virus géants découverts ultérieurement échappent à cette dimension moyenne de 250 nm, par exemple les mimivirus (400 nm), les girus, les pandoravirus et autres. Certains virus sont plus petits et parfois virophages, comme le virus Delta qui parasite celui de l’hépatite R. Désignons quelques virus ou les maladies virales correspondantes qui hantent le monde contemporain, la rage, la variole, le charbon, la syphilis (herpès), la fièvre aphteuse, la poliomyélite… Il faudrait raconter pour chaque entité une histoire naturelle et médicale, géographique et sociale, ainsi de même pour la rougeole, la fièvre jaune, la grippe espagnole du type H1N1, la grippe de Hong-Kong souvent passé inaperçue en 1968-69 et les grippes actuelles, les rhums, la toux, l’hépatite C et autres hépatites virales, le coxsackie A, le Nil occidental, la mononucléose infectieuse, les virus cancérogènes ou oncogènes, le sida (VIH), le virus Ebola, les coronavirus SRAS en 2003, MERS en 2012 et COVID fin 2019. La famille des coronavirus infecte à l’origine les chiroptères ou chauves-souris, nom générique qui couvre plus de 1000 espèces sur la planète (300 en Chine ?). Pour la COVID-19 dont le virion se nomme SARS-CoV-2, le passage à l’homme s’est effectué par voie de zoonose (intermédiaire supposé du pangolin, mais difficile à prouver du fait du court laps de temps relatif qui se compterait en années). La zoonose, néologisme récent généralisé vers 1970, est une maladie (mot écrit en grec νόσος, nosos) infectieuse qui peut passer de l’animal vertébré à l’humain, et inversement, dans les conditions naturelles. 7. Consulter l’ouvrage classique General Microbiology, de Hans G. Schlegel, seventh edition, Cambridge University Press, 654 pages, en particulier le chapitre 4 intitulé The viruses : distribution et structure pp 143-169. Le biochimiste Wendel Stanley fourni l’image du virus hélicoïdal à génôme ARN de la mosaïque du tabac, sous l’aspect d’un cristal protéique. Le virus de la grippe possède ce type d’enveloppe ou membrane. 8. Pour retrouver une partie du contenu de cette virée dans le monde viral, écoutez les émissions radiophoniques de Nicolas Martin, producteur à France Culture de l’émission Méthode scientifique, en particulier Virus, 13 avril 2020, avec le biologiste spécialiste des virus, Patrick Forterre et Alain Dublanchet, médecin microbiologiste ancien chercheur en phagothérapie. On connaît en 2020 plus de 5000 espèces virales - dénommées acaryotes par certains biologistes, pour les distinguer des familles d’archéobactéries, de bactéries (procaryotes) et des eucaryotes - ou groupes d’entités virales. 9. Eric Karsenti, Aux sources de la vie, Flammarion, 2018, 303 pages. En particulier, le chapitre 8 introduit l’expédition Tara Océans et l’enquête sur les océans. Pour mieux comprendre la biologie et ses champs mutants de compréhension depuis à peine un demi-siècle, qui rendent caduque l’ancienne histoire naturelle, lire Catherine Jessus, Etonnant vivant, découvertes et promesses du XXIe siècle, CNRS éditions, 2017, Paris, 328 pages. En particulier, chapitre 1 : Qu’est-ce que le vivant ? 10. Marc-André Sélosse, Jamais seul, Actes Sud, 2017, 364 pages. Quelques passages présentent les virus en tant que symbiontes ou partenaires de symbiose, thème de cet ouvrage ludique. 11. Si le mot épidémie est attesté en ancien français à la fin du XIIe siècle, avec la graphie espydymie dans le Roman d’Alexandre, l’adjectif épidémique n’apparaît qu’à la fin du XVIe siècle, à l’instar de l’adjectif endémique. Le mode de propagation est l’objet de modélisation mathématique, avec des graphes de population infectée en fonction du temps et des paramètres caractéristiques de la contagion, comme le R zéro ou taux de reproduction théorique du virus (contagiosité). La virulence d’un virus reste sa capacité à induire une infection grave, alors que la contagiosité correspond à la capacité du virus à déclencher une maladie chez une personne contaminée.