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31-12-2023

Actualité

31-07-2021

Le Haut-relief de l'église Saint-Martin et la famille Pauli-Miette-Parmentier


Le 14 juillet 1895, un feu d'artifice provoque l'incendie de l'église Saint-Martin de Saint-Dié et sa destruction complète.

Pour des raisons d’économie on choisit pour la reconstruction du grès de la région de Saint-Dié. Moins cher mais plus dur que le grès de Phalsbourg, il ne permet pas les sculptures les plus fines. On sacrifie ainsi, une partie de l’ornementation que l'on qualifie alors de plus "sobre", pour éviter de la qualifier de plus "austère".

Pour y remédier en partie, on décide de sculpter dans du grès de Phalsbourg, au niveau de la façade, une scène de la vie de Saint-Martin, c’est le sculpteur déodatien Jules Carl qui en est chargé. La commission lui demande de représenter la scène du centurion romain partageant son manteau avec un pauvre. La maquette définitive n’est adoptée qu'en mai 1903, par le conseil municipal. Et c'est en fait, saint Martin évêque, visitant un enfant malade qui est sculpté[1].

Madame Anne Marie Miette épouse Parmentier fêtera ses 100 ans le 10 août 2021, elle nous raconte. Sa mère Anna Pauli[2], 23 ans, est choisie par Jules Carl pour servir de modèle pour le Haut-relief de l'église Saint-Martin, c’est la jeune femme qui soutient l’enfant malade. Le sculpteur déodatien l’avait remarquée pour : « sa réelle beauté plastique et pour la parfaite mesure de ses formes et de tout son corps »[3]. La famille est et sera toujours très fière de ce choix et c’est toujours avec une grande émotion, qu’en passant place Saint-Martin, elle levait les yeux sur le tympan de l’église en y reconnaissant sa maman. Un maçon déodatien, dont le nom s’est perdu est choisi pour figurer saint Martin.

Anna Pauli (1880-1933) de Pair-et-Grandrupt se marie avec Célestin Félix Miette (1872-1960) de Nayemont-les-Fosses, ils habitent au Petit-Foucharupt, il est  bonnetier, cultivateur, ils ont 4 enfants, Anne Marie dit Annette est la dernière. On cultive et on livre le lait par tous les temps aux habitants de Foucharupt. Que de choses se sont passées en un siècle, voici le souvenir de quelques unes. Annette a la douleur de perdre sa maman à l’âge de 12 ans, elle est partie trop tôt. À l’aube de ses 100 ans, elle lui manque encore, elle se rappelle du corbillard tiré par des chevaux devant l’église Saint-Martin. Les ainés avaient déjà quitté la maison, elle reste seule avec son père. Elle doit assumer toutes les taches ménagères et travailler à la ferme. Son père est travailleur mais il est dur, la vie n’est pas facile. Il lui fait quitter l'école, pas question d'aller jusqu'au certificat d'études. Elle se rappelle à l’école de la Providence, une semaine la blouse était noire avec sur le côté une bordure rouge et l'autre semaine noire avec une bordure bleue. En rentant de l’école, les enfants passaient par la Grotte pour tenter d’apercevoir un petit singe, probablement échappé d’une ménagerie. Avec sa nièce Marie Louise, elle se rappelle de bons moments, à grimper à l'échelle du chariot de foin, avec leurs petits râteaux faits sur mesure. Faisant des bulles de savon avec un simple brin de paille. Pourtant la vie était difficile, sans eau courante, il fallait chercher l’eau à la fontaine, la rapporter avec des brocs, on avait l’onglée l’hiver, pas de toilettes non plus, c’était dans la grange, il fallait laver le linge dans des cuveaux. Elle ira travailler à l’usine dès 15 ans. Elle se marie en 1946 avec René Parmentier. Le couple aura 6 enfants tous nés à la ferme de Foucharupt, sa 1ère petite fille Catherine y naîtra également en 1967. La même année, ils construisent une maison sur un terrain à coté de la ferme, c’est le luxe avec eau courante, toilettes et machine à laver. Jusqu’à ses 92 ans elle s’occupe d’une basse cour et d’un très très grand jardin, qui sera réduit d’année en année par la force des choses. Elle n’a jamais quitté Foucharupt mais que de choses ont changé en un siècle. Aujourd’hui encore c’est avec émotion et fierté qu’elle pense à sa maman sur la façade de l’église Saint-Martin et elle lui manque toujours... Joyeux Anniversaire Annette !

T.C.

 



[1] Choserot Thierry, L'église Saint-Martin, Byblos, 1996 n° 10 et 11 ; 1997 n° 13 et 14.

[2] Marie Anne Joséphine Pauli (1880- 1933)

[3] La Liberté de l’Est du 22 novembre 1960.