03-12-2025

31-08-2024

Actualité

03-11-2025

Au cimetière


En 1893, dans un journal déodatien se trouve la relation d’une visite au cimetière de la rive droite de Saint-Dié.

Ce type de lieu incite à philosopher sur l’existence, c’est l’exercice auquel se livre le journaliste et nous vous invitons à le suivre.

« Et je grimpai déjà les larges marches conduisant au cimetière principal de Saint-Dié. Est-ce une ironie du sort, toujours est-il qu’au-dessus de la porte d’entrée, j’aperçois le chiffre 13 ! (…). À cette heure, le cimetière est presque désert. Quelques curieux stationnent cependant auprès de la fosse à peine refermée où dort pour l’éternité le dernier maire de Saint-Dié(…).

Un peu plus loin, je rencontre un jeune couple d’ouvriers. L’homme et la femme arrêtés devant une tombe minuscule, où dort un petit chérubin de quatre ans, la seule consolation peut-être de ces pauvres gens. La femme pleure à fendre l’âme ; de grosses larmes roulent malgré lui dans les yeux du père. Les coups de la providence sont quelquefois bien terribles. Plus loin, je vois avec plaisir qu’une main pieuse prend soin de la tombe de l’un des bienfaiteurs de Saint-Dié. J’arrive ainsi à sept ou huit monuments, tous en pierre et de même forme, adossés contre le mur du cimetière. Mais qu’est-ce à dire ? Les inscriptions sont toutes tournées du côté du mur et c’est avec bien du mal que je parviens à lire sur chacune d’elles le nom d’un soldat allemand décédé à Saint-Dié pendant les années de l’occupation. Voilà bientôt vingt ans de cela : un siècle diront les uns ; hier diront les patriotes. En vertu de la loi sur les inhumations, ces monuments ont été enlevés et aujourd’hui, ces Prussiens reposent ignorés et inconnus dans un coin de notre cimetière * (…).

Poursuivant sa promenade, le narrateur relève la présence d’un monceau de planches rangées symétriquement le long du mur, provenant de cercueils. « Il y a là de quoi charger quatre ou cinq grosses voitures », constate-t-il, déplorant « le caractère répugnant de cette exhibition ». Celle-ci ne lui a toutefois pas coupé son élan lyrique puisqu’il clôt sa visite par un paragraphe évoquant : « Je ne sais quelle vague tristesse et à la fois de consolante espérance ».

JCF

 * Les Prussiens en question -en fait des Poméraniens- ont été réinhumés sous un monument unique portant leurs noms (parfois mal orthographiés).